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C’est un doux matin de mars. Heureux, un sansonnet vocalise à la pointe extrême du cyprès qu’un moindre souffle d’air transforme en encensoir à pollen.
Il gazouille, gargouille, bavarde, cliquetise, grince ; son chant hétéroclite à l’harmonie bizarre semble le surprendre lui-même, le sansonnet ! Et en cette matinée de presque printemps, dans son plumage nuptial d’opale noire, sa parade de mirliflore me réjouit.
L’étourneau, le sansonnet sont les deux noms d’un même oiseau. Pour ma part, je le nomme sansonnet lorsqu’il est peu nombreux comme maintenant où il est entièrement occupé à sa reproduction. Mais dès qu’il s’assemble en nuée immense et sonore, graffant le ciel à tire-d’aile, inventant ces nuées multiformes qui intriguent et emportent le regard, alors il devient mon étourneau créateur et maître de l’art optique.
(…) comme un très rapide nuage, non, une chose trop prompte pour être un nuage, et qui à tout moment passe du noir au gris, du mat au brillant, change de forme, se désagrège, s’efface...
Plutôt qu’un nuage, des nuages – car il y en a presque tout de suite plusieurs, infatigables dans leur course bruissante – on dirait des fumées ; c’est à présent au-dessus des collines boisées tout un feu d’artifice de fumées qui tracent des boucles dans le ciel, les ouvrent, les ferment, les resserrent, les dénouent, les emmêlent, qui explosent en grandes ombelles de suie, se perdent au plus haut du ciel en traînées, en cendres ; ou au contraire descendent presque à ras des crêtes, plus bas même, et alors on pense à de grands filets à mailles serrées jetés par des pêcheurs sur les chênes rapidement retirés, vides et remontés.
Ou à des bannières sombres qu’on ne sait qui fait flotter, brandit, déploie, escamote (…)
Philippe Jaccottet - A travers un verger - extrait de « Etourneaux »
Op'art - L'art optique - Vasarely
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Une vapeur, un brouillard,
Un nuage m'entourait.
J'allais dans San Jeronimo
Vers le port presque endormi
Quand hors de l'hiver
Une montagne de lumière jaune,
Une tour en fleurs parut sur le chemin
Et tout fut empli de parfum.
C'était un mimosa.
Pablo Neruda
[...]
Mimosa soleil terrestre, explosion du parfum,
cascade, cataracte, chevelure de tout le jaune
déversé en une seule vague de feuillage,
mimosa en avant dans l’hiver austral
comme un vaillant militaire jaune, avant la bataille,
nu, désarmé, face aux bataillons de la pluie, mimosa.
[...]Je te proclame rayon de miel du monde :
nous voulons un instant être bourdons sylvestres,
élégantes, alcooliques guêpes,
frelons de miel et de velours,
plonger les yeux, la chemise, le cœur, les cheveux
dans ta frémissante senteur, dans ta coupe jaune
jusqu’à ne plus être qu’arôme dans ta planète,
pollen d’honneur, intimité de l’or, plume de ta fragrance.Pablo Neruda - Extrait du Troisième Livre des Odes
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