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Le petit zéphir
à Margareth, Ymi, Eva
Voici des vers que mon père, de temps en temps, prononce avec plaisir sans autre indication que le souvenir de les avoir appris autrefois. Curieuse, j’ai recherché le texte du « petit zéphir » et me suis aperçue que ces vers continuaient de fleurir dans la mémoire de personnes nées dans les années 20.
Peut-être aurez-vous envie de découvrir en entier ou de relire jusqu’au bout cette longue pièce de vers au charme suranné ?La jeune fille de Mégare - Ernest Barrias - Orsay
Le souffle qui remue imperceptiblement
Cette jeune glycine autour du vieux sarment,
C'est l'âme d'un zéphyr dont je connais l'histoire
Pour l'avoir déchiffrée un jour dans un grimoire.
Donc, jadis, un zéphyr flânant, musant, rêvant,
Entra dans un très vieux castel en coup de vent,
Et, léger, étourdi, frôla de son haleine
Une enfant de seize ans qui filait de la laine.
Ses yeux étaient du bleu de ce lac languissant
Dont il avait ridé la surface en passant.
L'enfant, pour rétablir la coquette harmonie
De l'onduleux repli d'une boucle fournie,
Eut un geste du bras, de la main et des doigts,
Si souple, si troublant, et si chaste à la fois,
Que le petit zéphyr faiseur de pirouettes,
Qui comptait ses amours aux sauts des girouettes,
Coutumier du mensonge et gaspilleur d'aveux,
Pour avoir vu passer ses doigts dans ses cheveux
Sentit qu'il n'aurait plus désormais d'autre reine
Que l'enfant de seize ans qui filait de la laine.
Et dès lors, la fillette entraîna sur ses pas
Un amant éperdu qu'elle ne voyait pas ;
Et lui fut tout heureux de pouvoir être encore
L'amoureux inconnu qui passe, et qu'on ignore !
Dès qu'il apercevait ses beaux yeux rembrunis,
Il courait lui chercher des chansons dans les nids ;
Ne pouvant apporter toutes les fleurs en gerbes,
Il allait lui cueillir des papillons dans l'herbe,
Tous ceux des bois, des champs, des jardins, des bosquets,
Et quand il avait fait doucement des bouquets
De rubis palpitants, de nacre, d'or et d'ambre,
Son souffle brusquement les jetait dans la chambre.
Au temps où se faisait des prés la fenaison,
Allait chercher de quoi parfumer la maison,
Les senteurs de la sauge ou de la marjolaine,
Pour l'enfant de seize ans qui filait de la laine.
Parfois jusqu'en Provence il allait voyager
Pour revenir plus lourd de parfum d'oranger.
À chacun de ses maux il trouvait un remède :
Si la nuit était froide il se faisait plus tiède ;
Si l'air était brûlant et le ciel orageux,
Il rapportait du frais des grands sommets neigeux ;
Quand il avait un livre, effronté comme un page,
Il soufflait à propos pour lui tourner la page.
Puis, quand elle dormait dans son petit dodo,
Le zéphyr doucement écartait le rideau ;
Il mêlait, pour avoir de son corps quelque chose,
Son souffle au souffle pur de sa bouche mi-close ;
Longtemps il contemplait l'harmonieux dessin
Des petits doigts dormant sur la rondeur du sein,
Et tout énamouré, pour apaiser ses fièvres,
Sans qu'elle eut à rougir la baisait sur les lèvres !Hélas ! un jour, vêtu d'un somptueux pourpoint,
Un seigneur arriva qu'on ne connaissait point ;
Il était jeune et fier ; il venait d'Aquitaine
Pour épouser l'enfant qui filait de la laine.
Sa grâce et sa beauté, quelques riches présents,
Sans peine eurent raison de ce coeur de seize ans.
Après de grands saluts et des compliments vagues,
On parla mariage, on échangea des bagues !
Si parfumés qu'ils soient, que peuvent les zéphyrs
Contre les cavaliers qui donnent des saphirs,
Des perles, des colliers ! En souffle de tempête
Le zéphyr se rua sur le castel en fête !
Pendant des jours, des nuits, on l'entendit hurler,
Secouant les vieux murs pour les faire écrouler,
Et le jour où l'on fut en cortège à l'église,
Tour à tour aquilon, bourrasque, orage ou bise,
Pour qu'on n'en jetât pas en chemin par monceaux,
Il effeuilla d'un coup les roses des arceaux !
Enfin, suprême espoir, pendant le saint office
Il tenta de sécher le vin dans le calice,
Et malgré les efforts du vieux sonneur très las
Força la grosse cloche à ne sonner qu'un glas.
Le zéphyr entrepris une effroyable ronde
Pour aller se grossir des tempêtes du monde !
Et terrible, fauchant les pays traversés,
Revint au vieux castel après deux ans passés.
Il allait l'emporter comme un fétu de paille,
Quand, dans les flancs joyeux de la frêle muraille,
Plus facile à briser qu'un tout petit rosier,
Il vit un nouveau-né dans un berceau d'osier.
Dans les yeux de la mère il lut tant d'espérances,
Qu'il frémit à penser des possibles souffrances,
Et vaincu, désarmé par l'amour triomphant,
Rendit l'âme en soufflant sur un berceau d'enfant,
Exhalant à la fois et sa vie et sa haine
Aux pieds de la maman qui filait de la laine !
Tiré de « Les bouffons » pièce en quatre actes de Miguel Zamacois. (1866-1955) Editions Flamarion.Gari Melchers Maternité
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Commentaires
Oh non Margareth ! Je ne pense pas que mon père puisse, aujourd'hui, la réciter tout entière. C'est assez récemment qu'il s'est mis à en donner quelques volées, une douzaine de vers le plus souvent. A quatre-vingt-onze ans il ne cesse de me surprendre. Je pense bien à toi. Bisous.
oh que c'est joli ! Je ne connaissais pas même le début (il faut dire que je suis née un peu plus tard tout de même !
Merci ma chère Myrto pour la dédicace !
Merci pour ce long poème offert qui mêle une certaine naïveté a un propos léger et tendre que la jalousie bientôt envenime. Jamais encore je n'avais entendu cette poésie. Ton père est-il capable de la réciter tout entière ?
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un ami de 80 ans l'a récité pour son anniversaire samedi dernier presqu'en entier, il le tenait de son père qui le récitait aux repas de famille, son père qui l'avait appris au mien, c'est pourquoi je connaissais ce poème mais pas dans son intégralité.