-
S’obliger. S’obliger toujours. Comme s’il ne suffisait pas d’être obligé.
Ne pourrait-on se détacher ? Ce doit être possible ça, le détachement.
Ai-je raison de passer tout mon temps avec mes vieux parents pour leur permettre de rester chez eux, dans leurs habitudes ? Chez eux où je me dis qu’ils ne sont plus vraiment puisque j’y suis aussi.
Comment faire au mieux alors que ma mère souhaite et bénit ma présence tandis que mon père, autoritaire, fantasque et coléreux, ne supporte pas d’être aidé et rejette toute assistance ?
Laissez-moi vous prendre par la main mon père, c’est juste un peu de mousse moelleuse et douce que je voudrais déposer sur les cailloux froids du chemin difficile qui s’annonce.
votre commentaire -
L'air en conserve
Dans une boîte, je rapporte
Un peu de l'air de mes vacances
Que j'ai enfermé par prudence.
Je l'ouvre ! Fermez bien la porte
Respirez à fond ! Quelle force !
La campagne en ma boîte enclose
Nous redonne l'odeur des roses,
Le parfum puissant des écorces,
Les arômes de la forêt...
Mais couvrez vous bien, je vous prie,
Car la boîte est presque finie :
C'est que le fond de l'air est frais.
Jacques CHARPENTREAU
votre commentaire -
Le monde sans dessus dessous - Marc CHAGALL
Mon père, mon drôle, mon étonnant, mon imprévisible père qui ne ressemblait à aucun autre, le temps a eu raison de toi.
Sans vergogne il t’a transformé en vieil homme tourmenté, révolté.
Existe-t-il un moyen d’adoucir ces tourments qui ne te laissent jamais quitte ? Peut-on te consoler, te distraire, toi que presque plus rien ne réjouit ?
S’il te plaît accepte sans réserve toute notre tendresse et notre bienveillance, cesse de te rebeller contre les gens, les choses et la vieillesse, face à elle tu as perdu.
Je sais bien que l’année dernière encore tu avais vingt ans dans ta tête d’éternel jeune homme mais je crois que le moment est venu d’accepter ce contre lequel nul n’a jamais gagné.
Mon père, mon drôle, mon étonnant, mon imprévisible père…
Marc CHAGALL
votre commentaire -
La situation ne pouvait plus désormais s'aggraver que dans le sens d'une amélioration.
Ouest-France du 8 février 1961
votre commentaire -
Comment encore reconnaître
ce que fut la douce vie ?
En contemplant peut-être
dans ma paume l'imagerie
de ces lignes et de ces rides
que l'on entretient
en fermant sur le vide
cette main de rien.Rainer Maria RILKE - Vergers
votre commentaire -
Gustav KLIMT - Forêt de bouleaux en automne
Quelques semaines d’absence et je retrouve mes parents devenus si vieux avec soulagement mais aussi appréhension.
Ma petite Mère m’attend, tout en joie, et c’est bon. Mais le sourire de mon père n’est pas au rendez-vous et je lis dans son regard combien mon intrusion dans leur vie continue de lui déplaire. Il m’a tant de fois dit qu’il n’avait nul besoin de ma présence ni de celle de quiconque, qu’il ne voulait personne d’autre que Maman auprès de lui…
L’automne est partout, le ciel s’assombrit, mon optimisme cependant reste au beau. Pas comme celui de Mimi qui est restée avec eux pendant tous ces jours. Son moral n’est pas très rose, elle s’en va vite, vite.
La vie ici reprend son cours difficile comme la petite rivière torrentueuse dont j’entrevois entre les arbres le fil miroitant indocile. Indocile…
votre commentaire -
Ma mère
Quelquefois sur ma tête elle met ses mains pures,
Blanches, ainsi que des frissons blancs de guipures.
Elle me baise au front, me parle tendrement,
D'une voix au son d'or mélancoliquement.
Elle a les yeux couleur de ma vague chimère,
O toute poésie, ô toute extase, ô Mère !
A l'autel de ses pieds je l'honore en pleurant,
Je suis toujours petit pour elle, quoique grand.Emile Nelligan
votre commentaire -
Gustave Courbet - Le Chêne de Flagey - 1864
Pas de petits bonheurs du jour depuis bien longtemps. Bonheurs boudeurs ?
Partir au-devant.
Aller jusqu’au verger pour un instant de paix sous le grand pommier.
A la lisière du pré, la rivière, hier sautillante, dévale en flots torrentueux. J’entends sa rumeur.
Plus loin un troupeau de vaches bicolores, affalé dans le regain tout neuf, rumine sans fin .
Temps retrouvé de l’enfance. Vol suspendu…
Les Vaches de Rosa Bonheur
...
Une vache était là, tout à l’heure arrêtée.
Superbe, énorme, rousse et de blanc tachetée,
…
Son beau flanc plus ombré qu’un flanc de léopard,
Distraite, regardait vaguement quelque part....
Victor Hugo – La Vache ( Les Voix intérieures, 1837)
votre commentaire -
Joan Miró - Le Cheval de Cirque - 1927
Cortège
Un vieillard en or avec une montre en deuil
Une reine de peine avec un homme d’Angleterre
Et des travailleurs de la paix avec des gardiens de la mer
Un hussard de la farce avec un dindon de la mort
Un serpent à café avec un moulin à lunettes
Un chasseur de corde avec un danseur de têtes
Un maréchal d’écume avec une pipe en retraite
Un chiard en habit noir avec un gentleman au maillot
Un compositeur de potence avec un gibier de musique
Un ramasseur de conscience avec un directeur de mégots
Un repasseur de Coligny avec un amiral de ciseaux
Une petite sœur du Bengale avec un tigre de Saint-Vincent-de-Paul
Un professeur de porcelaine avec un raccommodeur de philosophie
Un contrôleur de la Table Ronde avec des chevaliers de la Compagnie du Gaz de Paris
Un canard à Sainte-Hélène avec un Napoléon à l’orange
Un conservateur de Samothrace avec une Victoire de cimetière
Un remorqueur de famille nombreuse avec un père de haute mer
Un membre de la prostate avec une hypertrophie de l’Académie française
Un gros cheval in partibus avec un grand évêque de cirque
Un contrôleur à la croix de bois avec un petit chanteur d’autobus
Un chirurgien terrible avec un enfant dentiste
Et le général des huîtres avec un ouvreur de Jésuites.Jacques Prévert
Yves Klein - La Victoire de Samothrace
votre commentaire -
Raoul DUFY
Dieux de l'Olympe et même d’Asgard je vous convoque. Tous !
Dans la maison paternelle venez, munis de vos arguments les plus solides, afin que cessent les démonstrations de mauvaise foi de mon petit père.
Videz à jamais le carquois de cet impénitent décocheur de flèches du Parthe.
Choisissez pour nous les pastels les plus doux et recolorer, s’il vous plaît, nos jours pâlis !
David HOCKNEY - Mes Parents
votre commentaire -
Mère si gaie, tout a tellement changé ces derniers temps ! Comment faire pour accepter cela ?
Ton souriant visage reste le même, mais derrière lui je vois bien que le vif esprit aiguisé que je connais tant a baissé sa garde.
Nos bonnes conversations s’appauvrissent, nos fous rires toujours prêts à jaillir me manquent et je ne m’y habitue pas petite Mère, mon amie, mon autre.
Il faudra bien, pourtant, que je m’y fasse.
votre commentaire -
Vais-je tomber, ne pas tomber ?
Se disait la dernière pomme.
J'ai résisté aux vents d'automne,
Aux pluies, aux premières gelées :- Il ne faut pas que j'abandonne
Mon fidèle ami, le verdier.
Vais-je tomber, ne pas tomber ?
Il y va de mon cœur de pomme.Je suis d'or rouge et de miel jaune
Comme une lune à son lever
Et j'éclaire tout le pommier.
Non, non, verdier, je me cramponne,
J'attendrai l'hiver pour tomber.Maurice Carême
Klimt - Le pommier I
votre commentaire -
Pierre-Isidore Bureau - Le Chemin Montant
Il dit qu’il fera un voyage à Jérusalem à l’automne. Qu’il partira bientôt en direction de Saint-Jacques et ira par les chemins jusqu’à Compostelle. Il bavarde comme mille pies mais ses oreilles sont fâchées avec lui depuis belle lurette. Il répète que ses oreilles vont très bien et ça me fait sourire.
Il dit tant de choses pour conjurer les flots mauvais, les vents contraires, annonciateurs du fatal naufrage.
Pourquoi ce qui frappe les personnes aimées nous est-il plus insupportable que ce qui nous atteint nous-mêmes ? Toute cette impuissance devant la souffrance des autres qui devient la nôtre, contre laquelle on ne peut rien !
Le soir tombe. Je marche sur le chemin. Je veux boire l’air des grands bois tout proches, respirer la terre humide et noire de mes vieilles montagnes.
Je ne suis plus seule. C’est étrange. Un oiseau marche quelques mètres devant moi. Il marche. Ma proximité ne l’effarouche pas. Nous marchons ainsi, de concert, un assez long moment puis il se pose sur une barrière proche et me regarde passer avant de prendre son envol. Où va-t-il ainsi à l’entrée de la nuit ? Où ?
votre commentaire -
L'Odeur du Buis
Moments qui n'existent plus, choses finies pour toujours ? Evidemment, la couleur de tes yeux le 6 octobre 76 lors de ce gros orage. Evidemment, ce chant du rossignol le 17 mai 74 à 21 heures 42. Evidemment ... silence ! Tout cela s'évanouit, tout cela dort profondément. Peut-on se réveiller d'un tel sommeil ?Grand Ciel, rendez-moi pour une minute l'odeur du buis à Fayt dans le verger de mon oncle et les mouches du pays vibrant sur la tarte aux prunes. "
NORGE
Cerises
Gaston a mille ans mais aucune mémoire ; c'est dommage pour ses souvenirs et pour certaines précisions historiques, mais ça lui donne un émerveillement tout frais chaque fois que revient le temps des cerises.NORGE
Jeune Fille aux Cerises de Charles-Amable LENOIR
1 commentaire -
Rodin - Buste de Dalou
Il refuse son grand âge mon père, ce vieux gamin ! Il se cramponne. Il ne veut rien céder au temps qui passe ce vieil insouciant qui vit comme une vacherie de l’existence la débâcle de cette maudite vieillesse qui a fini par le rattraper !
Tout le tire, le bouscule, le bascule dans les brumes épaisses d’un ciel d’hiver qui ne finira pas.
Être de son entourage, se frotter à son caractère imprévisible, à son comportement hors norme, ne fut jamais chose facile. Tout cela est désormais passé en filigrane, grisé, presqu’effacé par l’affection que je lui porte.
Parce que son grand désarroi actuel ne cesse de m’émouvoir et m’interroge sans fin. Nous, si différents et pourtant si semblables !
Magritte - La Reproduction Interdite - 1937
votre commentaire -
Chagall - Le Cirque (Litho)
J’ai vu hélas dans la vie un cirque ridicule :
Quelqu’un tonitruait pour effrayer le monde, et
Un tonnerre d’applaudissements lui répondait.
J’ai vu aussi comment on se pousse vers la gloire et
Vers l’argent : c’est toujours le cirque.
Une révolution qui ne conduit pas vers son idéal
Est, peut être aussi, un cirque.
Je voudrais toutes ces pensées et ces sentiments,
Les cacher dans la queue opulente d’un cheval de
Cirque et courir après lui, comme l’autre petit clown,
En demandant la pitié afin qu’il chasse la tristesse
Terrestre.Marc Chagall
Chagall - Le Cheval Rouge
votre commentaire