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Elle souriait
et son sourire – elle le semait à tous les vents.
Et les gens,
qui avaient l'air de se foutre éperdument
les uns des autres, se souriaient.
Se souriaient tout simplement,
se souriaient sans ironie
et sans envie,
car ce sourire les unissait.
Les couleurs même avaient changé,
plus de peine, plus d'ennui.
Un sourire.
Et ils se contemplaient les gens :
ils étaient bons, ils étaient beaux.
[…]Léonide Pachtchenko
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Après tout, ce n'est pas parce que vous ne voyez rien qu'il n'y a rien !
Une ombre, rien qu'une ombre parfois suffit à créer une autre image, une autre histoire.
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Le Thé
Miss Ellen, versez-moi le Thé
Dans la belle tasse chinoise,
Où des poissons d’or cherchent noise
Au monstre rose épouvanté.J’aime la folle cruauté
Des chimères qu’on apprivoise :
Miss Ellen, versez-moi le Thé
Dans la belle tasse chinoise.Là, sous un ciel rouge irrité,
Une dame fière et sournoise
Montre en ses longs yeux de turquoise
L’extase et la naïveté :
Miss Ellen, versez-moi le Thé.Théodore de Banville
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Aristide Maillol
Saisir, saisir le soir, la pomme et la statue,
Saisir l’ombre et le mur et le bout de la rue.Saisir le pied, le cou de la femme couchée
Et puis ouvrir les mains. Combien d’oiseaux lâchésCombien d’oiseaux perdus qui deviennent la rue
L’ombre, le mur, le soir, la pomme et la statueJules Supervielle
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La Danseuse Folle de Rik Wouters
Très impressionné et subjugué par la grande danseuse américaine Isadora Duncan au point de vouloir réaliser la sculpture d'un personnage dansant, le sculpteur belge Rik Wouters (1882 –1916) ne donnera à aucune autre de ses œuvres le dynamisme, l’extraordinaire joie de vivre et l’insouciance qui se dégagent de cette sculpture.
" Elle danse, infatigable. On la bisse avec frénésie, elle acquiesce en penchant la tête, et recommence. Elle danserait jusqu'à mourir, sur ses pieds nus, merveilleusement muets "Colette - Isadora Duncan
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Quand j’habitais Alger, je patientais toujours dans l’hiver parce que je savais qu’en une nuit, une seule nuit froide et pure de février, les amandiers de la vallée des Consuls se couvriraient de fleurs blanches. Je m’émerveillais de voir ensuite cette neige fragile résister à toutes les pluies et au vent de la mer. Chaque année, pourtant, elle persistait, juste ce qu’il fallait pour préparer le fruit.
Albert Camus – L’Eté
Georges Brassens - L'Amandier
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La machine à coudre Singer
Une machine Singer dans un foyer nègre,
arabe, indien, malais, chinois, annamite,
ou dans n'importe quelle maison
sans boussole du tiers monde
c'était le dieu lare qui raccommodait
les mauvais jours de notre enfance.
Sous nos toits son aiguille tendait
des pièges fantastiques à la faim,
son aiguille défiait la soif.La machine Singer domptait des tigres
la machine Singer charmait des serpents
elle bravait paludismes et cyclones
et cousait des feuilles à notre nudité.
La machine Singer n'était pas tombée
des dernières pluies du ciel :
elle avait quelque part un père,
une mère, des tantes, des oncles,
et avant même d'avoir des dents pour mordre
elle savait se frayer un chemin de lionne.
La machine Singer n'était pas toujours
une machine à coudre attelée jour et nuit à la tendresse d'une fée sous-développée.
Parfois c'était une bête féroce
qui se cabrait avec des griffes
et qui écumait de rage
et inondait la maison de fumée
et la maison restait sans rythme ni mesure
la maison cessait de tourner autour du Soleil
et les meubles prenaient la fuite
et les tables surtout les tables
qui se sentaient très seules au milieu du désert de notre faim
retournaient à leur enfance de la forêt
et ces jours-là nous savions que Singer
est un mot tombé d'un dictionnaire de proie
qui nous attendait parfois derrière les portes
une hache à la main !René Depestre
Grand écrivain et poète Haïtien né en 1926 à Jacmel. Son père disparaît en 1936. La famille de est pauvre et vit des travaux de couturière de la mère. René Depestre vit depuis de nombreuses années dans les Corbières audoises.
« C'est grâce aux sacrifices de ma mère avec une machine à coudre que nous avons pu faire nos études. Elle voulait absolument qu'on fasse tous les cinq des études, qu'on aille au moins jusqu'au baccalauréat et même, dans mon cas, elle voulait que je sois médecin. C'est pour ça que dans mes poèmes la machine Singer occupe une place aussi importante. »
Edward Hopper - La machine à coudre
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Emile Nelligan (Montréal 1879-1941)
[...]
Je suis gai! je suis gai ! Dans le cristal qui chante,
Verse, verse le vin ! verse encore et toujours,
Que je puisse oublier la tristesse des jours,
Dans le dédain que j'ai de la foule méchante !
Je suis gai ! je suis gai ! Vive le vin et l'Art !...
J'ai le rêve de faire aussi des vers célèbres,
Des vers qui gémiront les musiques funèbres
Des vents d'automne au loin passant dans le brouillard.
C'est le règne du rire amer et de la rage
De se savoir poète et objet du mépris,
De se savoir un coeur et de n'être compris
Que par le clair de lune et les grands soirs d'orage ![...]
Je suis gai ! je suis gai ! Vive le soir de mai !
Je suis follement gai, sans être pourtant ivre !...
Serait-ce que je suis enfin heureux de vivre ;
Enfin mon coeur est-il guéri d'avoir aimé ?
Les cloches ont chanté ; le vent du soir odore...
Et pendant que le vin ruisselle à joyeux flots,
Je suis gai, si gai, dans mon rire sonore,
Oh ! si gai, que j'ai peur d'éclater en sanglots !Cinq quatrains parmi les neuf que comporte "La Romance du vin" d'Emile Nelligan. Peu de temps après l'écriture de ce poème en 1899, le jeune poète canadien sombre complètement dans la déprime puis la démence.
Le Champ de blé aux corbeaux est l'une des dernières oeuvres de Van Gogh avant sa fin tragique le 29 Juillet 1890
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Musique du film "La liste de Schindler" de Steven Spielberg, composée par John Williams. Une bouleversante déploration d'une tristesse infinie.
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« La forme des années a changé pour moi, durant que, moi, je changeais.
L’année n’est plus cette route ondulée, ce ruban déroulé qui depuis janvier, montait vers le printemps, montait, montait vers l’été pour s’y épanouir en calme plaine, en pré brûlant coupé d’ombres bleues, taché de géraniums éblouissants, – puis descendait vers un automne odorant, brumeux, fleurant le marécage, le fruit mûr et le gibier, – puis s’enfonçait vers un hiver sec, sonore, miroitant d’étangs gelés, de neige rose sous le soleil… Puis le ruban ondulé dévalait, vertigineux, jusqu’à se rompre net devant une date merveilleuse, isolée, suspendue entre les deux années comme une fleur de givre, le jour de l’An… »
Colette – Les vrilles de la vigne - (Rêverie de Nouvel An)
Bonne année à vous
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"C’est ainsi, le front aux vitres, que je cherchais autrefois à surprendre, pendant la nuit de Noël, un jardin endormi sous sa neige bleuâtre, ou sous la pluie, ou tout blanc de gel sous les étoiles…
Je ne bouge pas, de peur de dissoudre, derrière moi, le mirage provincial qui monte de mon passé : un salon fané, où la pendule de marbre blanc marque minuit, entre deux bouquets de houx. Sur la grande table, on a simplement poussé un peu de côté les livres à tranche d’or, le jeu de jacquet et la boîte de dominos, pour faire place au gâteau arrosé de rhum et au vieux frontignan décoloré…[…]
Il y a, partout, le chaud désordre d’une maison heureuse, livrée aux enfants et aux bêtes tendres…
Si je me retourne, reverrai-je – le temps d’un regard, le temps d’un battement de mes cils humides – reverrai-je tout cela ?… Une main touche mon épaule, mais je ne veux pas me retourner… Et cela ne fait rien que quelqu’un me crie dans l’oreille, avec des rires… Cela ne fait rien du tout, puisque j’entends tout de même, comme autrefois, la jeune voix maternelle :
« Beauté !… mon soleil rayonnant !… Mon bijou tout en or ! Il est tard, va vite dormir… » "(Colette - Extrait de " Cadeaux de Noël " éditions de l’Herne)
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Matin de décembre
On s'éveille
du coton dans les oreilles
une petite angoisse douce
autour du cœur, comme mousse
c'est la neige,
l'hiver blanc
sur ses semelles de liège
qui nous a surpris, dormant.Guy-Charles Cros ("Avec des mots")
Bernard Gantner, la douceur de ses paysages d'hiver
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Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne[...]
Les colchiques - Guillaume Apollinaire (1902)
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Chevaux, chevaux de bois, chevaux de pauvre fête,
chevaux de vive joie (…)
Jacques Prévert - Extrait de Charmes de Londres
Chevaux aux yeux bleus et mal peints
chevaux à la crinière de crin
traversés d'une barre de cuivre
où le cavalier se tient
vous tournez sans jamais être ivres
et jamais vous ne dites rien
mais déchirante et déchirée
la musique marche sans arrêt
et plantés sur votre plaque tournante
sans jamais l'entendre vous tournez
Le coeur aime la mauvaise musique
et sans doute qu'il a raison
et les chevaux aussi peut-être
qu'ils aiment de drôles de sons.Jacques Prévert - Extrait de Grand Bal du Printemps
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